Siméon Ndaye K. | May 2025
Alors que les États-Unis tentent de jouer les médiateurs dans la crise persistante de l’Est de la République Démocratique du Congo, le risque d’un blocage diplomatique reste bien réel. Dans ce contexte incertain, l’Union européenne aurait tout à gagner à se repositionner comme une puissance neutre, capable de proposer une médiation équilibrée, impartiale et durable.
Les limites de la médiation américaine
Plusieurs obstacles freinent l’efficacité des États-Unis en tant que médiateur. Leur proximité stratégique avec le Rwanda — que Kinshasa accuse de soutenir les rebelles du M23 — jette un doute sur leur impartialité aux yeux des autorités congolaises, déjà en position de faiblesse dans les négociations. Cette perception risque de miner la légitimité de Washington en tant qu’arbitre.
À cela s’ajoutent les priorités géopolitiques actuelles des États-Unis, notamment en Ukraine et au Moyen-Orient, qui réduisent leur disponibilité pour un engagement de long terme en Afrique centrale. Le conflit congolais, enraciné depuis plus de trois décennies, requiert pourtant une implication constante et stratégique.
Le terrain, quant à lui, reste extrêmement complexe. Au-delà du M23, plus de 120 groupes armés opèrent dans l’Est du pays, chacun avec ses revendications propres. Dans ce contexte, un accord de paix centré sur un seul acteur risque d’avoir peu d’effet concret sur le terrain.
Enfin, sur le plan politique interne, le président Félix Tshisekedi fait face à un isolement croissant. Les principaux leaders de l’opposition ont rejeté sa proposition de gouvernement d’union nationale, parmi eux Joseph Kabila, son prédécesseur, qui s’est déclaré prêt à contribuer à la résolution de la crise. Exclure ces acteurs clés fragilise toute tentative de médiation. En somme, si Washington voulait faire de la RDC une vitrine de sa diplomatie, elle a sans doute choisi l’un des dossiers les plus ardus.
Une occasion à saisir pour l’Union européenne
L’échec potentiel de la médiation américaine ouvrirait un vide diplomatique que l’Union européenne aurait tout intérêt à combler. Mais pour cela, l’UE doit revoir sa posture. Son alignement visible sur les positions de Tshisekedi, combiné à une série de sanctions peu stratégiques, a entamé sa crédibilité en tant qu’acteur neutre.
Le conflit congolais mérite une approche diplomatique cohérente et inclusive. Si elle veut s’imposer comme un médiateur efficace, l’Union européenne doit s’affranchir des logiques de court terme et rétablir des relations équilibrées avec l’ensemble des parties prenantes, y compris les figures majeures de l’opposition.
Un dialogue sans Joseph Kabila, aujourd’hui incontournable dans l’équation politique congolaise, compromettrait toute chance de paix durable. L’Europe a une opportunité stratégique : se réinventer en puissance de médiation globale et jouer un rôle clé dans la stabilisation de la région.