Siméon Ndaye K. | March 2025
“Quand la dictature est un fait, la révolution devient un droit.” Victor Hugo.
Tout avait pourtant bien commencé entre Felix Tshisekedi et le peuple Congolais. Le 24 janvier 2019, quelques minutes après avoir brandi la Constitution de la RDC, le nouveau Président annonçait avec panache le retour de la paix, l'instauration de l'État de droit et la fin des antivaleurs.
6 ans plus tard, il s'apprête à changer la Constitution, le pays est en guerre, l'État de droit n’existe plus et la corruption est désormais systémique.
Alors que les villes de Goma et Bukavu sont déjà aux mains de l’AFC (Alliance Fleuve Congo), ce qui nous est présenté comme une agression rwandaise pourrait en réalité constituer les prémices d’une Révolution congolaise. Si le narratif propagandiste de Kinshasa a pu séduire une partie de la communauté internationale, il n’en reste pas moins que les faits sont têtus et que l’histoire, elle, ne ment pas.
Une révolution ne sort jamais de nulle part. Elle est le produit d’un contexte et le résultat d’une suite d’événements. Toutes les révolutions ont un socle et des critères communs: une économie à la dérive, une restriction des droits et libertés, une justice politisée, une corruption endémique, une population brimée et contrariée et enfin une rupture de la confiance entre le peuple et ses dirigeants.
Il suffit d’un regard objectif sur la RDC pour réaliser que les conditions nécessaires à une révolution sont déjà remplies. Par conséquent, la crise à l’Est de la République pourrait revêtir une dimension bien différente de celle que Kinshasa nous présente. Ce qui se joue n’est pas tant lié à la souveraineté d’une nation qu’à la revendication et la grogne d’une population qui exigera bientôt des comptes à son tyran.
Voici 5 raisons qui expliquent la révolution en gestation sur le sol congolais.
Un homme sans parole:
Maître dans l’art de transformer ses alliés en ennemis, Félix Tshisekedi a trahi tous ses partenaires. En 2018, les opposants au camp Kabila qui avaient réussi à présenter un ticket unique pour les élections du 23 décembre seront les premiers à en faire les frais. Moins de 24 heures après leur accord, Tshisekedi retirait tout simplement sa signature, entraînant avec lui son futur Directeur de Cabinet, Vital Kamerhe, qui passera d’ailleurs par la case prison quelques mois plus tard.
Tshisekedi brisera aussi l’Accord de gouvernement FCC-Cach forgé avec la famille politique de son prédécesseur Joseph Kabila dont il aimait dire qu'il le “déboulonnerait.” Béton trahira même ses plus proches alliés au sein de son parti, l’UDPS. Jean-Marc Kabund sera arrêté et emprisonné officiellement pour outrage au chef de l’État. En réalité, le seul tort de Kabund aura été de dénoncer la mégestion et la prédation qui sévissent au sommet de l'État. Mais la principale victime des trahisons de Tshisekedi c’est le peuple. Celui qui s'était présenté comme le champion du peuple et le défenseur des faibles a fait exactement l'opposé de ce qu’il avait promis. Aucune promesse n’a été tenue. Aucun dossier-clé n’a abouti. Au lieu du peuple d’abord, ce fut sa famille d’abord, et puis son clan, et puis ses amis, et puis la classe politique … et enfin le peuple, ces 100 millions de congolais taillables et corvéables à merci. Qui en RDC peut encore placer ses espoirs en ce leader dont les paroles et les actes s’entrechoquent en permanence?
Un pouvoir corrompu
Jamais les structures de gouvernance de la RDC n’ont été aussi dysfonctionnelles que sous le Président Tshisekedi. Corruption, trafic d’influence, abus de biens sociaux et détournements de fonds publics sont devenus les fondamentaux de l’administration Tshisekedi. Celui qui avait pourtant promis aux Congolais la justice sociale aura finalement réussi à appauvrir davantage une population déjà trop fragile. Loin des déclarations de bonne intention, les Congolais ont eu droit à un régime qui n’aura eu aucun scrupule à les dépouiller.
Au hit parade des dossiers obscures on retrouve l'emblématique Programme d’urgence des “100 jours”, véritable tour de passe-passe qui fera disparaître près de 400 millions de dollars des caisses de l’Etat. Ce programme d’urgence avait pour but de marquer les 100 premiers jours du quinquennat.
Le peuple congolais se souviendra aussi du fiasco “Tshilejelu”, un projet de construction de routes dont deux tiers des fonds décaissés se perdront dans des commissions pour le moins douteuses.
Les Congolais n’oublieront pas non plus l’immonde taxe sur le registre des appareils mobiles (RAM) qui aura rapporté des centaines de millions au clan Tshisekedi. Selon l’Observatoire de la Dépense Publique, 40% des revenus de cette taxe n’ont jamais été tracés en 2020 et 2021. Cette escroquerie d’Etat aura choqué et blessé les congolais dans leur dignité.
Au-delà des ces dossiers phares, les congolais ont eu droit aux pires pratiques de non-gouvernance: des cabinets ministériels qui dépassent leur budget de 900%, une impunité honteuse pour les détourneurs de fonds, ou encore des flagrants délits d'ingérence. Une chose est sûre, la communauté internationale serait mal inspirée de sous-estimer la colère et la frustration des congolais qui se sentent trahis par le fils de celui qui prônait: “le peuple d’abord”.
L’EST est abandonné
Bunagana, cité commerciale à la frontière de l’Ouganda est devenue malgré elle le symbole de la rupture entre les autorités de Kinshasa et l’Est de la RDC. Livrés à eux-même depuis le printemps 2022, les habitants de Bunagana supplient le gouvernement d’intervenir et de déloger le M23 mais peine perdue! À Kinshasa, la vie suit son cours comme si de rien n’était, au grand damne des Kivutiens totalement délaissés et à qui l’on fait comprendre que la RDC fonctionne très bien sans eux. Pire, des officiers supérieurs des Forces Armées de la République démocratique du Congo (FARDC) auraient facilité la prise de Bunagana en tant que complices du M23. De façon générale, les habitants du Masisi, Rutshuru ou encore Nyiragongo sont devenus des laissés-pour-compte totalement ignorés par le pouvoir de Tshisekedi. Comment imaginer un seul instant que cette population ignorée n’exige pas, en temps voulu, une reddition des comptes au Président Tshisekedi? l’AFC de Corneille Nangaa ne représente-t-elle pas un espoir pour ces Congolais isolés?
Fatshi L’autocrate
Détentions arbitraires, procès inéquitables, restrictions des libertés et j’en passe, Il ne fait pas bon d'être opposant, journaliste ou militant des droits humains dans le Congo de Tshisekedi. Lors de son premier passage à Bruxelles en tant que Président, il avait déclaré: “Je ne suis pas un dictateur, ne faites pas de moi un dictateur”. C'était juste avant qu’il fasse main basse sur la Cour Constitutionnelle et qu’il propulse l’un de ses proches, Denis Kadima, a la tête de la Centrale Électorale Nationale Indépendante, (CENI) malgré la contestation de l’opposition et des Églises.
Dans sa course vers le pouvoir absolu, le nouvel autocrate de Kinshasa ne fera pas dans la dentelle. Claudel lubaya, Seth Kikuni, Moise Katumbi, Mike Mukebayi, Oly Ilunga, Salomon Kalonda, Barnabé Kikaya, Stanis Bujakera, Steve Wembi, Hubert Djoko, Albert Lokongo, Daniel Ngoy Mulunda, pour n’en citer qu’une poignée ont tous subi l’ire d’un pouvoir qui ne tolère ni la critique ni la contradiction.
À l'acmé de sa derive autocratique, Felix Tshisekedi offrira au monde un simulacre d'élections et un scrutin digne des pires dictatures: délais allongés, irrégularités, opacité, contestations… Tout cela sous le regard d’une communauté internationale bien trop timide.
Récemment, les têtes des journalistes Pero Luwara et Merveille Balenge Irenge ont été mises à prix par le ministre Congolais de la Justice.
Désormais, la RDC est un pays propagandiste. Les faits et la vérité ne comptent plus. Les Congolais le savent et se taisent. Mais jusqu'à quand?
Une diplomatie confuse:
Au plan des relations internationales, le moins que l’on puisse dire est que Félix Tshisekedi aura une fois de plus tout fait pour se mettre à dos ses partenaires. En mars 2019, le Président Congolais jouait la carte du rapprochement avec Kigali mettant les petits plats dans les grands pour son «frère» le Président Kagame reçu en grandes pompes à Kinshasa. Sans surprise, la lune de miel ne durera que quelques mois et fera place à un ton belliqueux et à une rhétorique incendiaire. Le frère redeviendra l’ennemi numéro un.
La diplomatie de Tshisekedi sera également marquée par la curieuse omniprésence de l’Ambassadeur américain Mike Hammer. L’encombrant monsieur Nzita occupera très rapidement un rôle de quasi-conseiller du Président Congolais, générant au passage un risque de malaise pour certains pays européens qui jusque-là bénéficiaient d’une proximité historique avec le Congo. Tshisekedi opérera à nouveau un virage à 180 degrés et se tournera vers la Chine, actuel premier partenaire commercial de la RDC. (50% des exportations).
En Mars 2022, Tshisekedi signe l’adhésion de la RDC à la East African Community (EAC) mais en moins de deux mois, les relations avec le Kenya et le Rwanda s’enveniment et jusqu’à ce jour elles restent très conflictuelles.
En résumé, la diplomatie du Président Tshisekedi semble aller dans tous les sens, donnant l’impression d’un navire désorienté. Aujourd’hui, il s’apprête à brader les minerais du Congo pour assurer sa survie politique.
Pour ces raisons et bien d’autres, nous recommandons à la communauté internationale de mesurer l’ampleur de ce qui se joue actuellement en RDC et de laisser au peuple congolais la liberté de dire tout haut ce qu’il refoule au plus profond de lui-même depuis 6 ans. Au fur et à mesure que les villes tomberont, la voix du peuple se libérera et le monde comprendra qu’il ne s’agit pas d’une invasion mais d’une Révolution.
En prenant fait et cause pour la dictature de Tshisekedi, l’Europe se disqualifie et s’auto-exclue. Sa diplomatie partiale et court-termiste la rend désormais inaudible. Les sanctions européennes en relation avec la rébellion du M23 témoignent d’une lecture des faits anachronique et encore empreinte d’une forme de néocolonialisme. À l’heure où le multilatéralisme est en pleine mutation et que l’Afrique se déleste peu à peu de son hyper-tropisme occidentale, l’Europe a tout intérêt à se repositionner au-dessus de la mêlée. Mais en est-elle encore capable? Les USA, quant à eux, apprendront bientôt qu’un accord avec le Président Tshisekedi est une erreur stratégique et politique.