Kabila-Tshisekedi : De l’idéal panafricain au retour des influences étrangères

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La crise persistante dans l’Est de la République Démocratique du Congo a replacé le pays au centre d’un affrontement stratégique entre puissances extérieures. Bien que présentée au départ comme une agression rwandaise, cette situation révèle surtout les fragilités internes du pouvoir congolais, désormais de plus en plus orienté vers les intérêts occidentaux.

Ce réalignement vers l’Occident, assumé ouvertement par le président Félix Tshisekedi, contraste fortement avec la posture panafricaine défendue par son prédécesseur, Joseph Kabila.

Joseph Kabila, chantre d’une souveraineté africaine

Durant ses dix-huit années à la tête de l’État (2001–2019), Kabila a adopté une ligne politique axée sur la défense de la souveraineté nationale et la méfiance vis-à-vis des ingérences étrangères. Dès son arrivée au pouvoir, il s’est engagé dans une stratégie de réappropriation des ressources congolaises, illustrée notamment par la réforme du code minier en 2018. Cette réforme, qui visait à mieux redistribuer les revenus issus des ressources naturelles, a fortement tendu les relations avec les grandes compagnies internationales, isolant diplomatiquement Kabila.

Plutôt que de s’appuyer sur les institutions occidentales comme le FMI ou la Banque mondiale, il a privilégié une coopération Sud-Sud, resserrant les liens avec des nations clés du continent telles que le Zimbabwe, l’Angola ou l’Afrique du Sud. Sa politique reposait sur un développement auto-centré, en phase avec l’esprit du panafricanisme.

Félix Tshisekedi, le pivot occidental

L’arrivée de Félix Tshisekedi en 2019 marque un tournant. Rapidement, sa gouvernance se distingue par un rapprochement marqué avec les puissances occidentales. Entre visites diplomatiques à Washington, Paris ou Bruxelles, et relance des partenariats avec les institutions financières internationales, le président congolais engage le pays dans des politiques économiques conditionnées par des intérêts extérieurs.

Affaibli sur le plan intérieur par des résultats économiques décevants et une tendance autoritaire, Tshisekedi compense par une stratégie d’alignement sur les puissances occidentales. L’un des exemples les plus frappants de cette posture est sa proposition aux États-Unis de coexploiter les minerais de l’Est avec le Rwanda, en échange d’un soutien politique et sécuritaire. 

Contrairement à Kabila qui tenait à préserver l’indépendance du Congo, quitte à se retrouver isolé sur la scène internationale, Tshisekedi semble miser sur une intégration dans les dynamiques géopolitiques euro-atlantiques, au risque d’être perçu comme favorable à des agendas étrangers.

Deux visions pour l’avenir du Congo

Entre Kabila et Tshisekedi, deux visions du rôle de la RDC s’affrontent : celle d’une nation souveraine s’inscrivant dans une solidarité africaine, et celle d’un pays en quête de stabilité par des alliances occidentales, quitte à sacrifier une part de son autonomie. Ce clivage symbolise un débat central sur le futur politique et économique du pays : panafricanisme ou néo-impérialisme?